par Norbert BEL ANGE

Ville prospère de 54.000 habitants, située à 85 km d'Oran.
Tout autour de la ville, très européenne, la plaine du Chélif n’était qu’une immense champ cultivé : de la vigne, des oliviers agrumes expédiés par chemin champ defer sur Oran ; le port de Mostaganem, mal abrité, n'avait qu'une activité réduite. Le dimanche, « on » mettait le cap sur la plage de la Salamandre, à 3 km à peine, une station estivale et balnéaire très fréquentée où certains possédaient un cabanon.
Dès l'an mille, une communauté juive y est attestée, forte alors de 350 personnes. En 1960, on en comptait 2500. Elle était constituée principalement de Juifs d'Espagne et de Majorque.
Dès le début, ceux là se livraient au commerce de peaux, de laine et de cire vers Majorque, et de grains, de bijoux, courtage dans l'autre sens. Ce sont les vagues successives d'immigration à cause de l'Inquisition et de l'antisémitisme qui ont renfloué la population autochtone. Il faut noter tout de même que, dès 1416, devant les menaces musulmanes et l'insécurité, certains anciens Espagnols retournèrent au pays de leurs ancêtres : la péninsule ibérique et les îles Baléares ; comme dans la plupart des villes de l'Oranie, il y avait peu d'originaires d'Italie.
Les Sages de la Sidra, étaient ces Rabbins venus d'Espagne, ici pour enfin jouir d'un havre de paix après les tribulations et les tourments endurés.
On n'a jamais su vraiment pourquoi on les appelait comme ça. Toutes les légendes à ce propos ne sont qu'imagination.
Il y avait 2 Synagogues qui se sont retrouvées plus tard en plein quartier arabe ; il était donc scabreux de s'y rendre. On en avait alors créé une troisième, plus petite, en quartier européen, dans les années 50, On avait connu dans les temps anciens, les Rabbins David Cohen, Jacob Soussan, Saadia Médioni, Makhlouf Ben Hanin, Abraham Ben Natan le Sépharade, Moché, Yossef et Yehouda Alachkar. Les derniers avant l'exode ont été Saadia Charbit et Marciano (ce dernier a officié à la la Synagogue de la rue Breteuil à Marseille, après l'exode).
Notre ami, le Grand Rabbin Georges Haïk, ancien élève de l'Ecole Rabbinique d'Algérie, vivant aujourd'hui à Jérusalem, y avait été nommé Rabbin (pour un temps assez court), à la fin de ses études. Les familles, à part celles citées plus haut : Aggaï, Amsellem, Azoulay, Bel Ange, Benghozi, Ben Naïm, Bensoussan, Chabath, Dayan, Djian, Lachkar, Lév, Obadia, Roubach, Sebban, Teboul,
communauté avait son Talmud Torah. La fête annuelle de Baomer y était un événement marquant.
La communauté a souffert autant de l'antisémitisme chrétien que du terrorisme arabe.
Dans cette ville, vivait le Rabbin Mimoun fils de Réouven ABOU (1820-1890). Il était connu comme orateur de talent et surtout comme commentateur distingué de la Torah et de la Bible. Presque tous ses ouvrages édités font référence à son père puisqu'ils contiennent « Réouven » dans leurs titres. Il a bien des fois fustigé les jeunes de sa génération qui se « modernisaient et se francisaient » trop et s'éloignaient du même coup du chemin de la Synagogue !
Dans son livre « Bené Réouven », un commentaire nous a paru intéressant : la loi juive veut qu'on se lève devant une personne âgée et devant un sage lorsque ceux-ci s'approchent à quatre coudées (2 m) de soi, en guise d'hommage à la sagesse et à la Torah dont ils sont dépositaires ; et s'il s'agit d'un Rabbin renommé, on se lève dès qu'il apparaît « dans son champ de vision ». Sil s'agit de Moïse, notre Maître, a fortiori devait-on se lever dès son arrivée, vu qu'il possédait les trois distinctions citées plus haut et de plus il avait le titre de roi d'Israël et était le plus grand des prophètes.
Et voilà que dans la Torah (Nb XVI, 2), Korah et ses 250 acolytes « se sont levés devant Moïse c'est-à-dire seulement lorsqu'il est arrivé devant eux comme on l’apprend dans le texte, leur punitions a été très sévère, puisque la terre s’est ouverte et les a engloutis vivants pour avoir rabaissé le grand Moise au rang d’un simple sage.
Une vie religieuse certaine ou une certaine vie religieuse ?
En 1391, lors de la première expulsion, les grands maitres durent du voyage.
Parmi eux, les « Hahmé Hafdidra » ou des sages de la sidra enterrés au cimetière juif de la ville. Voici l’une des légendes attachées à leurs nom : un beau matin, sur une mer calme on les vit. Des sepharim arrimés sur leurs corps les avaient sauvés d’une mort certaine. Depuis, sur leurs tombes, lors de Lag Baomer ce furent force libération ouvertes à tous et ce jusqu’à la veille de l’indépendance algérienne.
Parmi les grands maîtres ayant résidé à Mostaganem, citons : Jacob Soussan, Sadia Medioni, Makhlouf ben Hanine, Abraham ben Nathan Sepharadi... Au XVIe siècle, Yehouda Alachkar. Il est bon de signaler, ici, que les archives de la cathédrale de Palma de Majorque recèlent une bonne partie de l'histoire médiévale des Juifs de l'Oranie.
Pendant l'occupation turque, XVIe-XVIIIe siècle, une soixantaine de familles juives vivent du courtage et du commerce. On peut avancer qu'environ 300 à 500 Juifs vivaient à Mostaganem à la veille de l'arrivée des Français.
Occidentalisation. mais pas seulement
'Le 28 juillet 1833, les Français entrent dans Mostaganem. Le 19 juin 1 857, après neuf ans de tractations et de travaux, Mostaganem possède une Synagogue toute neuve pouvant accueillir jusqu'à 500 personnes. Oran n'aura sa grande Synagogue qu'en 1919.
Si le Rabbin Meimoun ben Reuben Abbou, dans le courant de cette deuxième moitié du XIXe siècle, déplore les mœurs dissolues de ses ouailles, ce n'est pas faute de les avoir instruites par ses ouvrages emplis de sagesse et imprimés à Livourne.
Les troubles antijuifs de 1897
Mai 1897 ne fut pas un joli mois de mai pour les Juifs de Mostaganem.
Des agitateurs antijuifs venus d'Oran s'en prirent violemment aux Juifs, à leurs biens, à leur Synagogue et à leurs sepharim : de ces derniers, ils firent des portefeuilles. Pitoyables « trophées » !
Pendant ce temps-là, toutes les formes d'autorité étaient en vacance !
Les années 1936-1945 dans Mostaganem, « le petit Berlin »
L'arrivée du Front Populaire et de Léon Blum fut saluée chaleureusement à Mostaganem par les Juifs et honnie par les antijuifs de tout poil. Les mouvements d'extrême droite de l'époque « faisaient » mieux qu'à Oran en termes d'audience. Manifestations, contre-manifestations, bagarres, coups de poing, coups de feu...
Le régime de Vichy put donc « s'épanouir » à Mostaganem. Y compris dans l'administration préfectorale et municipale.
Survivre. Elever le « système D. » au rang d'un art de vivre au quotidien. L'arrivée des troupes américaines effaça le baroud d'honneur pitoyable de Vichy. Le goût du chocolat et le swing des orchestres américains, les jeunes Juifs ne furent pas les derniers à les découvrir. Bien-au contraire !
Les années 1950... et après
Entre 2.000 et 2.500 Juifs, telle est la taille de la communauté avant l'indépendance algérienne.
La communauté juive de Mostaganem eut à déplorer plusieurs morts durant la guerre d'Algérie. Sur les autres rives de la Méditerranée, que ce soit en France ou en Israël (Jérusalem, Netanya, Ashdod.. .), les membres de cette communauté et leurs descendants — peut-être plus religieux — font fleurir avec bonheur cette joie de vivre toute méditerranéenne.
Echirolles le 12 août 2009