Par Charles BACCOUCHE

La nouvelle année juive Rosh Hachana, nous l’appelions là-bas Roshana, sauf nos Rabbins bien sûr, qui eux, prononçaient correctement Rosh Hachana (encore que !) bref, le début de l’année était dignement célébré en famille, les deux soirs toutes et tous serrés autour du plateau bien posé au centre de la table recouverte d’une belle nappe, blanche si possible, le plateau était naturellement surveillé de près par tout le monde afin que rien ne manque, de même cette année aussi rien ne manquera :
Pommes au miel pour que l’année soit douce
Dattes : que nos péchés disparaissent à jamais
Grenades : que nos mérites se multiplient comme les graines de grenade
Courges : que la haine de nos ennemis ne nous atteigne pas
Tête de mouton : qu’on soit à la tête et non à la queue
Poisson : être intelligents
Le motsi se fait dans le sucre pour que l’année soit douce
Rosh Hashana est la "tête de l’année" qui tombe le 1er Tichri, et alors Nissan avec la sortie d’Egypte? Et le nouvel an des arbres "tou-bishvat" ? On s’y perd dans toutes ses fêtes de l’année, sans compter le nouvel an du 1er janvier fêté par le monde entier, comme si tout devait être simple dans le judaïsme et que ce n’est pas simple d’être juif.
Essayons d’éclaircir les choses : C’est à Rosh Hachana 1er Tichri, premier jour de l’année que le premier Homme ADAM fut, disent les Maitres, crée, l’univers aussi, bref le 1er Tichri est probablement le big-bang juif.
Cette cérémonie familiale entame le temps des "dix jours terribles (Haymim hanoraïm) pour toutes les créatures que le Tout Puissant juge soit pour les écrire dans le livre de la vie soit pour…. rejoindre ses ancêtres, elle est donc importante cette période qui heureusement finit à Kippour ou tout est pardonné par le Ciel, en fait, ça tombe bien on le nomme "Grand Pardon" mais auparavant on a fait TECHOUVA,
Rien n’est gratuit chez nous.
Il faut remarquer que le début de cette grande période commence le 1er Eloul, mois précédent Tichri ou démarrent les "sélihot" c'est-à-dire les excuses que nous sommes censés présenter à l’Eternel et ou chaque jour retentit le shofar qui nous réveille à la vie et nous invite à la Téchouva (le retour sur nos fautes et l’engagement de plus les commettre
Si on compte les 30 jours du mois d’éloul et les 10 jours jusqu’à Kippour on obtient 40 jours, comme Moshé qui resta 40 jours et 40 nuits sur le mont Sinaï sans boire ni manger, et reçut les tables de la Loi et toute la Thora. Curieux non ?
Cette fête est aussi le Yom hazikaron, mais ici c’est l’Eternel qui se souvient de ses créatures, toutes ses créatures pas seulement les juifs, tout le monde sans exception, les animaux qui courent, volent nagent rampent et les plantes aussi, tout le monde passe devant le Tribunal du Ciel ce jour du souvenir l’audience durera 10 jours jusqu’au délibéré du soir de kippour, après la Néhila qui signifie fermeture, à cet instant en effet le ciel se referme, le Tribunal ferme ses portes plus de plaidoiries ni en défense ni en accusation, le Juge des Mondes, Ribono chel olam décide des sentences et des bénédictions.
Nous, on se rassure en se racontant que le Roi d’Israël, Elohim le Tout puissant a pardonné et nous illumine de ses bénédictions pour nous et nos familles et notre peuple et toute l’Humanité.
Rosh Hachana compte le début de l’ouverture des portes du Ciel et déjà se répandent ses bénédictions, comment le sait-on ?
D’abord on a procédé au Tachlikh, c'est-à-dire on jette nos péchés dans l’eau vive d’une rivière ou d’un ruisseau on bien ou vous voudrez.
Ensuite, facile on appelle ce soir de Rosh Achana "Yehi Ratson" Il sera de bonne Volonté" et à Kippour les "Chaareï Ratson" les portes de bonté. Ratson signifiant textuellement Volonté et dans nos prières le mot indique toujours une tendre et bonne volonté divine.
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On est bien habillé de blanc si on peut ou on veut et on écoute depuis le début du mois d’Eloul, la sonnerie du shofar qui rappelle le don de la Thora sur le mont Sinaï par le Saint créateur du Monde, dans le nuage et le son croissant du shofar qui grimpait sans cesse retentissant sur toute la Terre dans le tremblement et dans la crainte qui secouaient les montagnes faisaient gonfler les flots des mers et des fleuves, alors que les collines ondulaient, les animaux stupéfaits se taisaient.
En Eloul, le "Roi est sorti dans les champs" nous raconte le Midrash, il faut comprendre que le Roi du Monde est sorti avec bonté et avec joie à la rencontre de son peuple qui peut aussi lui faire part de ses doléances pour que chacun dénoue les vœux et les engagements pris pendant l’année, car la Thora est déjà si contraignante qu’elle répugne à ce que l’Homme se lie par de nouveaux engagements qu’elle ne lui demande pas.
L’Eternel lui aussi renonce face à l’homme aux décisions néfastes prises pendant l’année. Ce magnifique midrash (parabole !) nous montre L’Eternel priant Moshé de le dénouer de ses décisions néfastes à l’encontre de son peuple alors que Moshé prie le Tout puissant pour qu’il pardonne à son peuple et lui envoie sa Bénédiction,
Les dix jours qui nous séparent du Shabat des Shabats, de yom kippour ou yom hakipourim sont redoutables, évidement après tout ce que nous venons de lire, on peut craindre le pire.
Pourtant chez nous en Algérie d’avant, quand ils avaient la chance d’avoir parmi eux un petit peuple laborieux, pas méchant pour un sou, chez nous là-bas, Kippour n’avait pas cette face sévère de punition et de rédemption, au contraire, après la chaleur de la journée une joie légère flottait dans l’air adouci du soir.
Les hommes bien nets dans leurs habits, certains avec des baskets ou espadrilles mais la majorité dans leurs chaussures de cuir, arrivaient dans un chuchotement rassurant de frères qui ensemble attendaient le solennel Kol Nidré (dénouement des vœux) après le beaux cantique "A toi Eli mon désir… "
On rentrait tard le soir, car long est l’office de Kol Nidré.
Le lendemain, la synagogue s’emplissait lentement, les gens s’accueillant dans des embrassades et des sourires, se rappelant des petites histoires et des commentaires élogieux sur le repas de la veille et celui qui attendait après le dernier shofar.
Les femmes et les jeunes filles dans l’après midi, parfois avancé, remplissaient peu à peu les rangs de leurs places au dessus ou derrière les hommes, on ne se souvient pas qu’il y eut des rideaux pour nous séparer.
Dans les frôlements de leurs beaux habits ou dominait le blanc et le bleu, elles souriaient doucement, penchées sur leurs enfants ou se disant des secrets de tous les jours, les jeunes filles lançaient de pudiques regards vers les rangées des prieurs et tenaient sagement sur leurs sièges assignés.
Le fin était plus animée dirons nous par euphémisme.
C’était dans une joie sereine que les juifs d’Algérie vivaient et attendaient, sans les redouter, les décrets du Ciel.
Il me semble que le Maitre des Mondes aime ce beau peuple de mémoire fidèle à son Histoire à son Père à son Roi qui est aux cieux, à sa loi vécue dans le bonheur d’être juif.
Charles BACCOUCHE

