Sur le Journal : « Information juive » N°68 de juillet 1955
Meyer JAÏS, Grand-Rabbin de Paris 1907, Médéa – 1993, Paris

L’élection du rabbin Meyer Jais comme grand-rabbin de Paris n'a pas laissé indifférent le judaïsme algérien. On a justement rappelé dans la presse ses origines médéennes.
Sans aucun doute, pour ceux qui ont eu la plaisir de le connaitre, cette origine l’a marqué profondément.
Médéa, petite communauté juive autrefois si prospère et vivante, n'a cessé, comme tant de petites villes d'Afrique du Nord et d'Europe de fournir, dans le passé, au judaïsme, des personnalités fortes et ardentes.

Le grand-rabbin Jaïs perpétue brillamment la chaine de traditions et d'études d'un judaïsme sans fissure. La conscience affectueuse et sincère qu'il a de sa filiation spirituelle rend encore plus attachante sa personnalité.
Mais, pas plus son origine algérienne que sa connaissance du judaïsme achkénazi ne suffisent à justifier sa nomination.
II n'est heureusement plus de mode de cataloguer les valeurs selon les seuls critères de l'origine ou de l'assimilation à une nouvelle communauté.
Disons-le tout net, pour nous la désignation du rabbin Jaïs nous apparait comme le triomphe d'une certaine conception du judaïsme.
Toujours égal à lui-même depuis sa jeunesse ou quittant ses maitres algériens, il rejoignit la rue Vauquelin et la Sorbonne, il n'a cessé de maintenir un judaïsme sans compromis.
Au moment où certains de ses collègues se sont laisses entrainer par 1'indifférence, le judaïsme libéral, ou, pire, par l'unique souci de maintenir un judaïsme « conservateur », il a toujours affirmé une orthodoxie éclairée, et, à ce titre, l’on comprend aisément sa nomination
Précisément à une époque ou, si paradoxalement pour certains, et si justement pour les observateurs avisés, Paris devient le lieu de rencontre des forces vives du judaïsme d'Europe et d'Afrique du Nord , il manquait à la jeunesse montante un grand rabbin capable de comprendre ses besoins intellectuels et spirituels.
Son action au sein du judaïsme français le désignait depuis longtemps à l’attention de ses pairs : son activité d'aumônier de la jeunesse, de rabbin consistorial, de conférencier, d'aumônier militaire, d'animateur du Mercaz de Montmartre et du centre d'études Bar Ilan, son intérêt constant pour toutes les manifestations de la vie juive en France, enfin sa prise de position sans équivoque sur la théologie chrétienne lors de I'affaire Finaly, l’avaient dejà signalé à la communauté métropolitaine.
Mais pour nous surtout, ici, il est celui qui donna , en 1942, de si attachantes conférences de philosophie juive , dans cette petite école de la rue de Ia Lyre, ou, en pleine oppression vichyste, les cadres intellectuels de la communauté algéroise venaient entendre son enseignement sur les idées de Maimonide et de Benamozegh.
Jusqu'à ce jour encore, de nombreux souvenirs émus de Constantinois témoignent de son action profonde sur une ville qu'il avait comme révé- lée a elle-même ; de même que les Juifs de Tunis se rappellent avec plaisir les sermons qu'il donna , en 1940, comme aumônier des Forces françaises de Tunisie.
Souhaitons que ces multiples témoignages d'amitié et d'affection l’aident à entreprendre avec plus de vigilance et de courage que jamais I'oeuvre de rénovation si largement amorcée du Judaïsme parisien.
De cette « kehila » faite des apports convergents de toutes les traditions, il saura, pensons-nous, faire une communauté unie et attachée à la réalisation d'un Judaïsme conscient et vigoureux.
H.C.
Cartes postales de Médéa




